Le changement a changé. Changeons de perspective avec lui
Jean-Yves Mercier

Le changement a changé. Changeons de perspective avec lui

Jean-Yves Mercier

Pendant de nombreuses années, le changement signifiait passer du point A au point B. Pour une entreprise, cela signifiait adopter une nouvelle stratégie, mettre en place une approche plus rationalisée ou incorporer une technologie innovante. Pour un individu, cela signifiait assumer de nouvelles responsabilités. Les moyens venaient plus tard, ils suivaient. Certes, le rythme du changement s'est accéléré au début du 21e siècle, avec l'agilité et la capacité à rebondir rapidement devenant primordiales. Cependant, l'hypothèse sous-jacente est restée la même : d'abord l'objectif, puis les moyens.

Le changement, ce n'est plus définir un but et adapter ses moyens à l'atteindre. C'est rassembler ses forces pour évoluer en fonction des opportunités, avec d'autres compétences et d'autres visions autour de nous. Le Covid, l'urgence climatique et la guerre en Ukraine ont tout bouleversé. La pandémie nous a fait ressentir la peur pour notre santé et notre vie à un niveau personnel, alors que nous réalisions à quel point nous sommes vulnérables en tant que société face à l'inconnu. Certes, nos gouvernements et le monde des affaires ont réagi du mieux qu'ils pouvaient. Des réponses globales ont été trouvées, ce qui a sans aucun doute contribué à réduire les pertes, mais les dommages sont faits. Nous avons peut-être perdu des êtres chers, été malades ou du moins dû être confinés. La peur viscérale de l'inconnu, qui avait disparu pendant plusieurs générations, a refait surface. Quant au climat, le changement est déjà bien en cours. Et sans savoir exactement ce que cela signifie, nous avons tous le sentiment que les bouleversements futurs vont changer fondamentalement nos vies. Enfin, la guerre nous a donné l'impression d'être plus proches du bord du gouffre. Cette fois, nous sommes bien conscients que l'équilibre géopolitique que nous tenions pour acquis est devenu beaucoup plus précaire. Nous ne pouvons rien contrôler dans notre environnement, ni nous-mêmes, ni nos gouvernements, ni la direction des entreprises en laquelle nous avons de moins en moins confiance. Le sentiment de sécurité a été brisé.

Dans ce contexte, proposer une vision crédible revient à parier sur l'avenir et à choisir une option parmi une multitude de possibilités. Ainsi, la nature du changement a changé. Aujourd'hui, les moyens viennent en premier, et avec eux nous définissons des objectifs intermédiaires en fonction de l'environnement changeant. Nous ne nous dirigeons plus avec détermination vers une nouvelle destination, mais prenons plutôt une certaine direction et nous adaptons aux vents dominants. Se former ou être formé est devenu un moyen pour nous de nous préparer aux conditions défavorables, ainsi que pour profiter du temps favorable lorsqu'il se présente. Cela implique de s'engager à jouer plutôt que de rester sur la touche. Cela signifie agir plutôt que d'être passif et avancer plutôt que de rester immobile.

Pour cela, trois voies d’action.

Tout d'abord, une observation de l’environnement qui nous permet de ressentir les évolutions, à défaut de forcément les comprendre.

Ensuite, un recensement des dimensions qui sécurisent nos fondations. La conscience de nos forces en quelque sorte.

Enfin, l’acceptation que la préparation à l’inconnu ne signifie plus simplement s'équiper d'outils à appliquer. Les outils seuls n'ont pas les solutions pour un monde en constante évolution. Bien qu'ils soient sans aucun doute utiles d 'un point de vue cognitif, il y a une dimension clé qui ne peut être dissociée du collectif. Nous devons exploiter les opportunités de développement professionnel qui s’offrent à nous pour évoluer. Pour ce faire, nous devons oublier l'illusion que nous pouvons tout gérer seul.

La collaboration est essentielle à transformer l’opportunité en réalité. Certains pourront toujours regarder Steve Jobs ouMark Zuckerberg comme des demi-dieux, ils n’ont pas agi seuls. Ils ont vu l’opportunité, ils ont travaillé dur, mais ils se sont entourés. Ils ont été têtus, mais ils ont cherché aussi la confrontation d’idées. Et c’est encore plus vrai pour les créateurs d’aujourd’hui, que ce soit au sein d’une start-up ou d’un cabinet d’architectes. Seule la diversité à long terme de l'apprentissage en groupe nous aidera à développer cette capacité d’innover à partir de l’opportunité et, le moment venu, à agir en collaboration avec les autres. Le rôle du collectif est de nous aider à passer de la théorie à la pratique, de l'observation à l'action. Le self-leadership, c’est certes identifier ses aspirations, mais aussi les mettre en pratique avec son environnement.

Nous devons être prêts au changement en acquérant des réflexes d’observation de la complexité et en nous entraînant à prendre des décisions éclairées grâce à l'exposition à la diversité. Les résultats suivront car alors, au lieu de changer, nous nous serons mis en mouvement.


Revenir au blog

Découvrir d'autres articles

Sens individuel et sens collectif, une co-responsabilité

Sens individuel et sens collectif, une co-responsabilité

Les visions figées, où l’individu charge l’entreprise de lui donner du sens, où l’entreprise charge ses collaborateurs d’adhérer au sens collectif, ne suffisent plus. Il y a co-responsabilité pleine et entière face à la relation entre les 2 parties. L’individu est totalement responsable de son bien-être au travail, sans que cela n’enlève rien à la responsabilité de l’entreprise en la matière. L’entreprise est totalement responsable des résistances qu’elle rencontre, sans que cela n’enlève rien à la responsabilité d’évolution de ses collaborateurs. Ces phrases bousculent bien des idées ancrées dans nos sociétés. Elles s’attaquent simplement à la bonne vieille recherche du coupable.

Peut-on être soi et jouer un rôle ?

Peut-on être soi et jouer un rôle ?

Être soi et jouer un rôle. Dans la conscience collective, ces deux notions sont antinomiques. On ne peut être soi si l’on joue un rôle. Mais qu’entendons-nous par “rôle” ? C’est là toute la confusion.

Le burn-out résulte-t-il de l'absence de connaissance de soi ?

Le burn-out résulte-t-il de l'absence de connaissance de soi ?

“Je suis à la limite du burn-out !”. Qui n’a pas entendu ou prononcé cette phrase, dont la résonance est encore plus forte en période de pandémie. Devenue une expression galvaudée, elle est souvent lancée lors d’une période de stress intense liée au travail. Pourtant, elle est lourde de sens. Le burn-out, le vrai, est un ​​syndrome d’épuisement professionnel, qui selon l’OMS, s’installe de manière progressive. Mais pourquoi face à une même situation professionnelle, certaines personnes sombrent et d'autres non ? En sus des conditions extérieures, quel rôle joue le manque de connaissance de soi ?

Choisir de s'épanouir

Choisir de s'épanouir

L’épanouissement personnel est aujourd'hui une question de choix et de responsabilité. Laquelle choisissons-nous pour trouver du sens parmi le champ des possibles de notre environnement ? Et comment l’assumer pour y être utile ? Nous sommes passés en quelques mois d'un besoin personnel de nous réaliser à celui d'un engagement concret. Les crises récentes n'ont pas éteint notre besoin d'évoluer. En le focalisant sur le prochain pas à faire, elles l'ont rendu plus stimulant.