L’intelligence émotionnelle est au cœur du leadership
Jean-Yves Mercier

L’intelligence émotionnelle est au cœur du leadership

Jean-Yves Mercier

L’intelligence émotionnelle joue un rôle essentiel dans notre capacité à faire preuve de leadership. Elle est notre faculté de prendre conscience du sens des événements tels que nous les vivons, pour agir de façon efficace et positive.

Merci de laisser de côté vos émotions en franchissant la porte du bureau”. Cette mention, bien qu’imaginaire, aurait pu figurer à l’entrée de nombreuses entreprises. Longtemps, nous avons en effet estimé que les émotions n’avaient pas leur place sur un lieu de travail, qu’il fallait les cacher, les enfouir au plus profond de nous, et ce, quelle que soit la situation. Exprimer ses émotions était même quelque chose de peu convenable, de très mal vu. “Prends sur toi, ce n’est pas professionnel”, pouvait-on entendre dans certains couloirs. Je parle ici au passé, mais ce type d’injonction existe toujours. Encore aujourd’hui, et dans certains lieux professionnels, il est d’usage de faire taire ses émotions. Or, nos émotions ont bien toute leur place au travail. Elles sont même fondamentales !

Non seulement elles sont une dimension de notre personnalité, mais surtout elles influencent notre capacité à faire preuve de leadership. Ce sont elles qui nous permettent de sentir, d’écouter notre environnement et ainsi de nous mettre en mouvement et en relation avec autrui. Nous l’avons abordé dans un précédent article. Faire preuve de leadership, c’est proposer à un moment donné une vision qui inspire et aspire. Une vision basée essentiellement sur l'intuition et sur l’intelligence collective. Mais pour cela, une autre brique est tout aussi essentielle dans le leadership : l’intelligence émotionnelle.

Qu’est-ce que l’intelligence émotionnelle ?

Définissons tout d’abord ces deux mots : intelligence et émotion.

L’intelligence est la connaissance, opposée à l’intuition, la sensation. Elle est la “faculté de discerner, de saisir, de percevoir et de comprendre”. Multiple, l’intelligence n’est pas simplement cognitive. Prenons l’exemple de la musique. Un individu doué d’une intelligence musicale certaine aura la capacité de reconnaître des modèles musicaux, de percevoir des rythmes et des mélodies, de les interpréter, voire d’en créer avec un instrument de musique.

Quant à l’émotion, Charles Darwin les jugeait déjà indispensables à l’adaptation dans son ouvrage « The Expression of the Emotions in Man and Animals » publié en 1872 : une émotion est une réaction de l’inconscient suite à un événement externe, elle est visible d’autrui, instinctive et possède une caractéristique somatique et physique propre à chacun. Parmi ces émotions, on retrouve la peur, la joie, la colère, le dégoût, la tristesse ou encore la surprise. Il ne faut toutefois pas confondre émotion et sentiment. L’émotion est une réaction spontanée à une situation, elle ne dure que quelques secondes. À l’inverse, un sentiment est la manifestation d’un état qui dure dans le temps.

Nos émotions sont utiles, car elles nous informent d’un changement dans notre environnement, et nous permettent ainsi d’agir en conséquence. En latin, émotion vient d’ailleurs de ex-movere, ce qui signifie bouger en dehors… Prenons par exemple la gazelle. Sentant le danger, elle s’enfuit de peur d’être dévorée par un lion situé non loin. C’est l’émotion de la peur qui lui a permis de sauver sa peau. Nous sommes tous cette gazelle. Écouter et prendre conscience de ses émotions, c’est ainsi percevoir le sens des événements, tels que nous les vivons. Ce faisant, nous pouvons être en mesure d’agir de façon efficace et positive dans une situation donnée.

L’intelligence émotionnelle est ainsi la capacité à percevoir nos émotions, à les discerner, à saisir les informations envoyées par ces émotions, pour comprendre ce qu’elles mettent en jeu et pour ensuite choisir les comportements adaptés.

Prendre en compte que l’autre n’est pas soi

Dans le leadership, l’intelligence émotionnelle est donc essentielle. Les émotions nous permettent de sentir, de nous connecter à notre environnement et ainsi de nous mettre au besoin en mouvement. 

Mais pour que cette perception soit utile, l’intelligence émotionnelle réclame d’autres qualités pour servir son propre leadership. Il nous faut aussi comprendre et accepter que nos émotions sont personnelles, elles sont propres à chaque individu. Chacun réagit différemment, selon ses caractéristiques physiques et psychiques, ses croyances, ses valeurs, ses expériences personnelles et professionnelles. Des personnes dans une situation donnée ne vont pas forcément vivre la même émotion. L’une pourra ressentir de la peur, l’autre de la tristesse, ou bien l’une de la colère et l’autre de joie.

Dans une organisation, certains “dirigeants” vont jouer sur la peur pour motiver leurs équipes. “Attention, si on continue comme ça, on va mettre la clé sous la porte”, “Il faut redoubler nos efforts sinon on va se faire avaler par la concurrence”. C’est une façon de faire, certes, mais la peur transmise ne sera pas toujours comprise comme telle. Certains transformeront cette peur en tristesse - propice à l’immobilisme - ou bien en dégoût. La peur, qui a été pensée (à tort) comme source de motivation, n'influencera de loin pas tous les collaborateurs dans le sens souhaité.

D’autres leaders se mettent également en colère contre ceux qui ne les suivent pas. Mais là encore, l’émotion qui a insufflé leur leadership n’est pas toujours partagée et comprise. Tout l’enjeu sera de comprendre ses propres émotions, d’accepter leur singularité pour ensuite pouvoir reconnaître celles des autres.

Reconnaître ses émotions et celles des autres

Prendre en considération les émotions de ses pairs est une notion essentielle.

Faire preuve de leadership est, rappelons-le, un acte relationnel. C’est être capable de construire une relation de confiance avec autrui. Sans cette reconnaissance, il ne peut y avoir de relation constructive. C’est comme si chacun appartenait à une planète différente. Comprendre et accepter les émotions de l’autre permet au contraire d’avancer dans certaines situations complexes.

Cela vaut, en cas de désaccords ou de conflits par exemple. Mais aussi lorsque l’on veut proposer sa vision à une équipe ou une organisation. Il ne s’agit pas alors de devenir le psychologue de chacun des collaborateurs concernés, bien sûr. Mais de percevoir comment ils ont été “mis en mouvement” par leurs propres émotions. De le reconnaître et d’asseoir ainsi sa légitimité pour leur proposer non seulement une vision, mais une façon appropriée de la suivre. L’émotion a besoin d’être entendue, la réponse proposée est l’acte de leadership qui peut faire la différence si elle est adéquate.

Ainsi, ne nous méprenons pas. Considérer les émotions des autres est une chose. Aller dans leur sens en est une autre. L’intelligence émotionnelle est bien sûr de se mettre à la place de l’autre en faisant preuve d’empathie, mais à nous ensuite de savoir quoi faire de ces émotions, et ce, en toute conscience.

L’intelligence émotionnelle au service du leadership, ce sont donc 4 facultés : 

  • Prendre conscience de ses propres émotions et les accepter ;
  • Percevoir les changements de l’environnement auxquelles elles répondent ;
  • Accepter la singularité de sa propre réaction aux changements de l’environnement ;
  • Reconnaître les émotions des autres pour ensuite leur proposer la vision à suivre de même que la manière d’en prendre le chemin.

Comment y parvenir ? Une clé pour développer son intelligence émotionnelle est bien évidemment de travailler son self-leadership.

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