Faut-il être ambitieux pour être un bon leader ?
Jean-Yves Mercier

Faut-il être ambitieux pour être un bon leader ?

Jean-Yves Mercier

“Les dents qui rayent le parquet”. Cette célèbre expression, image de l’ambition humaine, sonne comme un jugement. En effet, l’ambitieux qui cherche à tout prix le succès, le statut et l’argent. Celui qui veut toujours plus à des fins purement personnelles. Mais l’ambition se cantonne-t-elle seulement à ce carcan péjoratif ? L’ambition, si elle est perçue aussi négativement, ne peut-elle cependant être au service du mieux ? Doit-on avoir de l’ambition pour être un vrai leader ?

 

Le leadership, c’est la capacité de concrétiser une vision, en mobilisant les individus qui disposent des talents nécessaires pour la construire. Pour cela, le leader doit faire preuve d’ambition, à la fois pour lui-même et pour les autres. En revanche, il est illusoire de penser que leadership est synonyme de succès ou de richesse. Ainsi, y a-t-il une bonne et une mauvaise ambition ? Comment, en tant que leader, conserver cette ambition collective au service de sa vision ?  

Leadership : l’ambiguïté de l’ambition personnelle  

Le leadership ne doit pas seulement être lié à l’ambition personnelle

 

L’étymologie latine de l’ambition est la suivante : "ambio" et "ambitio",qui signifie "tourner autour" ou "en rond". Elle fait écho à l’Antiquité romaine, lorsque les notables, en lice pour les postes de sénateurs, se pavanaient sur la place publique et faisaient le tour de la ville dans l’unique but de séduire les électeurs. Ainsi déjà, l’ambition était associée à une forme d’individualisme et d’opportunisme motivé par une quête de pouvoir ou d’appât du gain.

 

Derrière le leadership, se cache une notion fantasmatique dans laquelle le leader est perçu comme un sauveur, doté de pouvoir. Il est d’ailleurs spontanément admis que, pour parvenir à ce statut, le leader doit être poussé par une forme d’ambition. Pourtant, ce dernier ne peut être leader s’il est concentré uniquement sur son ego. Si c’est le cas, il ne pensera alors qu’à son ambition personnelle, autrement dit, ce qu’il veut dépasser pour lui-même. Il ne sera ni à l'écoute de son organisation et de son environnement, ni en mesure d’avoir une réelle vision collective. Au contraire, il ira vers ce qui est favorable pour lui-même, s’avérant parfois contraire à ce qui est bénéfique pour le plus grand nombre.

 

Ainsi, il faut différencier le véritable leadership, du simple pouvoir d'arbitrage ;dire aux individus ce qu’ils doivent faire, sans une vision d'ensemble ou un souci de l'autre. Dans ce cas, l'ambition est personnelle car au service d'une quête de statut et de pouvoir.

 

Loin de moi l’idée de nier le pouvoir. Il en faut pour être en position de mener les individus et les inspirer. Seulement, l’ambition personnelle doit faire preuve d'altruisme.

L’ambition personnelle au service de la notion de leadership

 

Pour faire preuve de leadership, l’ambition pour soi-même est indispensable. Elle permet d’avoir le courage de faire bouger les choses, de se remettre en question et de se confronter à l’inconnu. Le leader a l’ambition pour lui-même de se dépasser pour les autres, pour la vision. Il n’a pas l’ambition d’obtenir, de rester dans le confort de son statut de dirigeant. Il est en mouvement vers quelque chose de plus grand, impliquant son environnement tout entier.

 

Le mouvement est très important dans la notion de leadership. C’est à la fois la capacité de se mettre soi-même en mouvement, mais aussi de mettre toute une organisation en mouvement. Le leader a l’ambition de laisser une empreinte, de créer de la valeur. Il entretient sa vision en étant dans l’action, avec la volonté d'insuffler sa propre ambition, en partageant, écoutant, accompagnant, échangeant, impactant, valorisant et élevant. Pour faire preuve de leadership, l’ambition personnelle doit être partagée pour devenir une ambition collective.

Le leadership, c’est faire preuve d’ambition collective

 

Le leadership, c’est avant tout conduire les autres au succès. Un vrai leader a l’ambition de donner envie à son organisation de partager une vision commune pour créer des richesses humaines et matérielles. En d’autres termes, le leadership est un facteur de croissance externe et interne, à la fois personnel et organisationnel.

 

Un leader passionné communique sa propre ambition, qui devient alors une grande ambition collective capable de faire bouger les choses. En insufflant une énergie positive, il inspire la confiance en les personnes dont il s’entoure. Eux-mêmes ont confiance en lui.

 

On en revient alors à ce qu’il y a de plus fondamental : le leadership n’est pas un statut hiérarchique mais au contraire, une véritable alchimie relationnelle. Chacun de nous peut se retrouver, à un moment précis, en situation de leadership, porté par une ambition collective.Le leader ne doit pas étouffer les mouvements de leadership de ses équipes. Il doit les guider et les partager. C’est uniquement de cette manière qu’il pourra porter sa vision jusqu’au bout.

Pour que l’ambition collective prime toujours

 

Tout d’abord, le leadership n'est pas une constante dans la vie. Un leader fait preuve de leadership à un certain moment, porté par une ambition collective. En revanche, un individu peut avoir de l’ambition sans pour autant être un leader porteur d’une vision pour l’organisation.

 

L’ambition collective est quelque chose qui se cultive. Elle n’est pas innée et peut, si l’on y prend garde, se transformer en ambition purement personnelle.

 

Alors, pourquoi a-t-il, comme beaucoup d’autres, arrêté de croire en sa vision ? De croire au pouvoir du collectif ?

 

D’après mon expérience, un leader commence à ne penser qu’à ses propres bénéfices lorsqu’il se rend compte de la difficulté d'amener une organisation à croire en sa vision. Il faut convaincre et travailler dur pour que celle-ci passe du rêve à la réalité. Il prend alors conscience qu’il n'est pas un surhomme capable de soulever, seul, des montagnes.

 

Un leader qui n'a plus d’ambition collective, c’est un leader qui refuse le labeur et la proximité avec ceux qui l'entourent.C’est souvent qu’il n’a pas la sagesse d’accepter que ses qualités ne suffisent pas et qu’il est donc nécessaire de s’entourer.

 

Un leader qui réussit est un leader qui, d’une part à une ambition réaliste et mesurée, et qui d’autre part, s’entoure d’individus meilleurs que lui, ou complémentaires, capables de le confronter et de stimuler sa créativité et celle des autres. Il doit avoir pour ambition de développer le leadership de son entourage.

 

Prenons comme exemple celui du fondateur de Patagonia, Yvon Chouinard. À l’âge de 83 ans, Yvon a embrassé pleinement sa vision (jamais perdue de vue) en faisant don de son entreprise à des fins écologiques. C’est en cultivant, sa vie entière, son ambition collective, parle travail et l’esprit d’équipe, qu'il est parvenu à inspirer son entreprise jusqu’au bout.

 

Récemment, j’ai eu un échange passionnant avec le dirigeant d’une startup dans le secteur de l’immobilier. En tant que leader, il s’est comparé à un funambule en équilibre sur une corde. C’est trouver cet équilibre, entre avoir assez de volonté pour conserver sa vision et suivre ses équipes. Il est en mouvement permanent sur la corde et il prend des risques, avançant à la fois au gré de ses intuitions et de l’ambition collective de ses équipes. C’est cette alternance qui fait un bon leader.

 

Vous aussi vous aimeriez tenir en équilibre sur une corde ? Et si je vous disais que le meilleur moyen d’y parvenir est avant tout de vous connaître vous-même. C’est tout l’enjeu du programme de Self-Leadership, un voyage personnel dont le premier but est la découverte de soi.

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